La solidarité, un tremplin vers un autre monde possible

di Sergio Ferrari*

 

« Pour moi, la vie politique et la solidarité ne sont pas de simples formalités administratives. Ce sont des expressions de tendresse, de sentiments fermes, d’amour et d’engagement militant », souligne Franco Cavalli. Il se rappelle avoir fondé AMCA** (Aide médicale pour l’Amérique centrale) en 1985, en réponse à une demande de collègues nicaraguayens.

Dès lors et durant ces trois dernières décennies, l’expérience de cette organisation tessinoise de coopération solidaire fut riche et pleine de défis. Le plus important, c’est « que nous continuons d’exister et de développer nos activités ». Et de poursuivre : « Nous continuons avec la conviction absolue qu’un autre monde est possible ». Interview.

Sergio Ferrari (SF) : Quelle fut la raison de la naissance d’AMCA, il y a trente ans, en 1985 ?

Franco Cavalli (FC) : La réponse est très simple : plus qu’une grande réflexion conceptuelle, à la base d’AMCA il y eut l’amour, dans une double dimension. En 1985, durant la Semaine sainte, je me rendis au Nicaragua pour revoir Yvonne, ma compagne (devenue ultérieurement mon épouse), qui travaillait pour une durée de trois mois, comme infirmière, au Département d’oncologie de l’Hôpital Berta Calderón de Managua. Au cours de ce séjour, quelques médecins me contactèrent pour solliciter un appui. C’était un moment très difficile parce que la guerre contre-révolutionnaire contre le gouvernement sandiniste s’était intensifiée. Ce dernier devait donc affecter une grande partie de ses ressources à la défense. Par conséquent, le secteur médico-sanitaire préventif s’était affaibli, alors qu’il était l’un des axes programmatiques du sandinisme depuis la victoire populaire du 19 juillet 1979. Je me suis senti profondément interpellé par cette demande de mes collègues nicaraguayens. C’est de là que naquit la décision de créer notre organisation de solidarité : un voyage « occasionnel » motivé par l’amour et en répondant, également avec beaucoup d’amour, à une demande d’appui formulée par nos partenaires centr’américains.

 

Solidarité, avec une vision politique

 

SF : C’était un moment très complexe de la situation centr’américaine… Six ans à peine après avoir conquis le pouvoir au Nicaragua, le sandinisme souffrait d’une guerre d’agression dévastatrice. En même temps, des guerres de libération se déroulaient dans les pays voisins – El Salvador et le Guatemala. La création d’AMCA était empreinte d’une claire identification politique…

FC : Sans aucun doute. Au début, c’était lié à une vision limitée au secteur purement médical. Mais cette vision s’est élargie à partir d’autres stimulants nés de la réalité elle-même. Par exemple, le contact régulier et intense avec des réfugiés salvadoriens vivant au Nicaragua. Et, dans une moindre mesure, avec des camarades guatémaltèques. Nous percevions alors comme très importante la collaboration avec un Etat, le Nicaragua, menacé et agressé par la principale puissance mondiale. Et en même temps la solidarité avec les combattants des guerres de libération qui s’étendaient dans la région. Durant cette étape, et je ne veux pas le mésestimer, fut important le contact, au Nicaragua, avec de nombreux médecins cubains venus, eux aussi, comme internationalistes. Cela représenta un élément déclencheur de la solidarité ultérieure avec Cuba, que nous avons impulsée à partir de 1991 en fondant mediCuba, en Suisse. Dès la fondation d’AMCA, nos statuts nous définissaient clairement comme une organisation non-gouvernementale, dont la tâche consistait à appuyer les forces progressistes centr’américaines.

 

SF : Avec aussi un militantisme politique actif ici en Suisse…

FC : Effectivement. Auparavant, je m’étais impliqué dans la solidarité avec le peuple vietnamien, en collaboration avec la Centrale sanitaire suisse. Et je militais aussi dans la politique suisse.

 

SF : Il ne va pas toujours de soi, automatiquement, d’être militant progressiste en Suisse et de promouvoir la solidarité internationale…

FC : Malheureusement, c’est assez rare. Je l’ai expérimenté durant les années où j’étais conseiller national à Berne. Lorsque je proposais à mes collègues de s’impliquer dans la solidarité, j’ai ressenti maintes fois qu’ils n’y étaient guère sensibles. « Je suis très occupé », « Nous avons tant d’activités quotidiennes », voilà quelles étaient les réponses les plus courantes.

 

« La pratique pour corroborer le changement »

 

SF : En quoi l’engagement politique en Suisse et la promotion d’une conscience et d’une pratique solidaires avec le Sud ont-ils constitué un binôme inséparable de votre militantisme ?

FC : En tant qu’homme politique, j’éprouve un grand intérêt pour la discussion théorique. Je lis et je discute beaucoup de sociologie, de politique, d’économie. Mais j’ai toujours besoin de réaliser des actions concrètes. La théorie ne me suffit pas. En ce sens, ma position anti-impérialiste – née à l’époque des guerres de libération en Algérie et au Vietnam – ne se manifestait pas seulement par la protestation dans la rue. Elle avait besoin d’une pratique concrète, directe, de proximité et d’appui. Cela se traduit dans le travail d’AMCA et de mediCuba.

 

SF : Un travail fondé sur la nécessité de vivre pratiquement le sens profond du changement tant au Sud que dans le contexte local, cantonal, national…

FC : Je pense que oui… J’ai besoin d’assurer le changement. Pour moi, rien de ce qui se passe dans d’autres lieux du monde ne m’est indifférent. Je me sens coresponsable d’une citoyenneté planétaire, comme acteur politique et comme citoyen suisse. Nous ne pouvons oublier que la Suisse est un pays qui assume une grande responsabilité dans le concert international.

 

SF : Ce qui implique une vision claire de la nécessité de nouvelles relations internationales plus justes ?

FC : Oui, mais je ne suis pas d’accord avec ceux qui font de grands discours sur le monde global et qui ne voient, ni n’assument, les défis consistant à transformer aussi l’aspect local. Pour moi, il y a un aller et retour, qui exige une flexibilité dialectique. Par exemple, pour reprendre ma réflexion antérieure sur les politiciens suisses qui mésestiment cette vision de la solidarité, je sens qu’une telle attitude peut pécher par opportunisme et réduire la politique à une vision étroite et restreinte. Spécialement, puisqu’on parle de la Suisse, lorsque nous nous référons à un pays très petit et en quelque sorte « artificiel », où la moitié de sa classe ouvrière – étrangère – n’a pas le droit de vote. Un pays très atypique dans sa composition sociale, avec une économie fondamentalement de services (banques, finance, etc.), mais avec un réel pouvoir sur le plan international. Personne ne peut arguer que la Suisse n’a rien à voir avec ce qui se passe dans le reste du monde. Elle fait partie du groupe des puissants, directement responsables du sous-développement et de la pauvreté d’une grande partie de la planète. Ainsi, nous ne pouvons nier la responsabilité incontestable de nombreuses multinationales suisses dans la violation des droits humains et environnementaux en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Raison pour laquelle je ne peux imaginer un vrai militant progressiste suisse sans un engagement au niveau également de la coopération solidaire ou de la solidarité internationale.

 

« La solidarité implique les sentiments, la passion »

 

SF : Revenons à la pratique d’AMCA et à la base de votre action : la solidarité. Un dirigeant sandiniste [Tomás Borge Martínez, l’un des fondateurs du FSLN] la définissait comme « la tendresse des peuples ». Ce concept vous interpelle-t-il ?

FC : C’est une définition magnifique qui continue d’être totalement valable. Je le ressens profondément : pour moi, il ne suffit pas de crier contre l’impérialisme ou d’assumer des positions par trop intellectuelles. Pour vivre réellement la solidarité internationale, celle-ci a besoin d’un contenu sentimental, d’amour. Savoir qu’un enfant meurt de faim en Amérique centrale, en Afrique, ou n’importe où, me fend le cœur. Je ne peux l’accepter. Pour revenir à cette définition – il est toujours complexe de définir simplement les grands concepts existentiels – je ne voudrais pas me borner au seul aspect de la « tendresse », qui pourrait être réduit à un simple discours chrétien. La solidarité de gauche, progressiste, a besoin de se baser sur une analyse politique, elle doit avoir des aspirations et des principes politiques. Mais, j’insiste, on ne peut la réduire à l’aspect politique et conceptuel. La solidarité implique de s’engager avec tendresse, avec sentiment, avec passion, aux côtés de ceux qui souffrent le plus. D’où l’importance que des volontaires, des coopérant-e-s, des jeunes Suisses puissent partir en Amérique centrale ou dans d’autres régions. Là, sur le terrain, il est beaucoup plus facile d’observer quotidiennement et de comprendre l’exploitation et l’injustice qu’avec des énoncés théoriques complexes. Et, en même temps, la lutte et l’effort quotidien des peuples pour affronter ces injustices sont clairement visibles.

 

SF : Un laboratoire pratique pour gagner en conscience citoyenne…

FC : Effectivement. Toutefois il ne s’agit pas seulement de comprendre passivement la réalité. Mais aussi de découvrir les efforts nécessaires pour changer les choses. Ces populations sont la pointe d’un diamant de résistances et d’utopies en faveur d’un autre monde possible. Mais attention : ne commettons par l’erreur de prétendre voir dans ces luttes le modèle à reproduire universellement. On ne peut pas les imiter. Elles constituent une tranchée importante, mais dans chaque lieu, dans chaque endroit du monde : il faut adapter de manière créatrice la meilleure façon d’affronter l’injustice, ici et maintenant.

 

Le paradigme du Che

 

SF : En parlant de l’Amérique centrale, je me permets une parenthèse… Dans les années 80, de nombreux internationalistes (européens, latino-américains, nord-américains) ont collaboré aux processus en cours dans cette région. Certains d’entre eux ont même payé de leur sang cet engagement.

FC : Merci d’introduire cette réflexion. Pour moi, une des figures les plus importantes de l’histoire, un de mes héros, est Che Guevara. Je suis convaincu que les camarades morts comme internationalistes sont de petits Che. Des gens qui sont allés jusqu’au bout. Ils restent très présents pour moi. Je ne te mens pas en te disant qu’au moins une fois par mois je pense à eux. Par exemple à Maurice Demierre, car j’étais là, en février 1986, lorsque la contre-révolution l’assassina près de Somotillo. au Nord de Nicaragua. Il est essentiel de les garder toujours dans nos cœurs. Cela conforte notre engagement infini en faveur des pauvres. Cela renforce le sentiment, l’amour, dans notre engagement.

 

La coopération solidaire, un apprentissage mutuel

 

SF : Pour revenir au travail d’AMCA et faire une analyse rétrospective de ces trois décennies, quelle a été la réussite essentielle, fondamentale, par-delà les multiples projets réalisés avec succès ?

FC : Le premier succès, c’est que nous existons toujours et que nous avons de l’énergie. C’est une prouesse que d’exister encore après 30 ans, et même de continuer à élargir nos activités. De nombreuses associations et institutions de solidarité ont duré moins longtemps que nous. La clé de cet exploit, notre existence – sans minimiser les erreurs commises – c’est d’avoir compris correctement le type de relations à entretenir avec nos partenaires, nos collègues centr’américains. Nous ne sommes pas arrivés avec notre « vérité suisse », mais en nous mettant au même niveau, horizontalement, que nos collègues nicaraguayens, salvadoriens, guatémaltèques ou mexicains. En cherchant ensemble les solutions aux problèmes ainsi que les réponses aux défis. Sans prétendre transférer nos connaissances de manière verticale, mais en apprenant mutuellement.

Un autre élément, également essentiel, de notre pratique : non seulement avoir apporté un appui matériel, mais aussi renforcé les ressources humaines locales. Nous tentons toujours d’aider à développer les potentialités propres, pour assurer que les projets puissent continuer, même sans notre présence. Par exemple, dans le secteur de la pédiatrie oncologique au Nicaragua, on n’a plus besoin de nous : aujourd’hui nous pouvons simplement nous contenter d’appuyer des aspects très précis et déterminés.

Une autre clé d’interprétation positive de notre pratique a été notre manière originale de comprendre la relation avec les Etats des pays où nous sommes présents.

 

Responsabiliser l’Etat, renforcer la société civile

 

SF : Pourriez-vous développer davantage cette réflexion…

FC : Même à des époques de gouvernements néo-libéraux, nous avons toujours essayé d’impliquer les représentants de l’Etat. L’une de mes critiques à de nombreuses (grandes et fameuses) organisations humanitaires qui travaillent sur le terrain médico-sanitaire, c’est qu’elles débarquent avec un programme clé en main. Elles implantent leurs propres projets, installent même un hôpital et pensent avoir ainsi résolu les problèmes. Les grandes institutions financières internationales – comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international – affaiblissent les structures publiques avec leurs recettes d’ajustement néo-libéral. Et paradoxalement, parfois, en parallèle, de nombreuses ONG, pourtant bien intentionnées, développent leurs propres projets et infrastructures en déresponsabilisant les Etats. Nous sommes convaincus que, même avec des gouvernements de droite, il faut insérer nos projets dans une politique de responsabilisation de l’Etat. Par exemple, au Nicaragua, l’école Barrilete de Colores est née comme projet alternatif à l’Etat néo-libéral des années 1990. Mais sitôt le sandinisme revenu au gouvernement, l’école a réintégré la planification étatique dans le secteur de l’éducation.

 

SF : Souvent, les ONG internationales craignent les risques de corruption dans les pays où elles sont présentes, raison pour laquelle elles se distancient des Etats…

FC : Il est clair que notre vision implique des risques et nécessite souvent plus de temps. Il est plus simple d’arriver avec un programme déjà cuisiné, pensé dans le style suisse et de l’installer. Au début, cela peut être plus efficace à court terme, en économisant les discussions avec les ministres de la santé et d’autres fonctionnaires. Mais nous sommes convaincus que notre perspective est plus efficace à long terme et surtout plus durable. Je connais des dizaines d’exemples de grands hôpitaux, construits avec des ressources extérieures par des ONG internationales, et qui sont aujourd’hui en ruines. La soutenabilité passe par l’implication des gouvernements et de la société civile, parfois avec la prééminence de l’un sur l’autre. Mais sans perdre de vue le fait de responsabiliser les politiques publiques en y associant nos projets solidaires. Je veux inclure ici l’impact historique qu’a représenté pour moi la solidarité cubaine. Les médecins et les coopérants cubains contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations sur différents continents. Et il ne s’agit pas toujours de gouvernements progressistes. Mais ils maintiennent leur pratique avec persévérance, en tout cas tant qu’on ne les expulse pas. La conception cubaine de la solidarité est exemplaire.

 

SF : Pourriez-vous nous énumérer quelques erreurs d’AMCA ?

FC : Parfois, vu les importantes demandes locales, au début, nous envoyions massivement des volontaires depuis la Suisse. Et plus tard nous avons constaté que, dans de nombreux cas, ceux-ci rentraient et les problèmes persistaient. Nous n’avions pas mis suffisamment l’accent sur la formation des ressources et des capacités locales. Une autre erreur, et je reprends la réflexion sur les risques encourus à travailler avec les Etats : nous avions promu au Nicaragua un programme national de détection du cancer du col de l’utérus. Ce programme, commencé sous le sandinisme, dans les années 1980, avançait bien. Après la défaite électorale du Front sandiniste, en février 1990, le nouveau gouvernement n’a pas considéré ce projet comme prioritaire, et celui-ci disparut. Ce sont des aspects que je comptabilise comme des échecs partiels. Une bonne analyse de ces revers nous a permis d’avancer dans notre engagement et dans la durée de notre coopération solidaire. Nous n’avons jamais eu peur de l’autocritique. Je crois qu’il s’agit d’un autre facteur permettant de renforcer l’existence d’AMCA et de toute solidarité internationale dynamique.

 

SF : Durant ces trois décennies, l’existence d’AMCA s’est déployée sur une scène internationale marquée par de grands changements politiques, qui se répercutèrent sur la solidarité internationale. Par exemple, l’impact profond de la défaite du sandinisme (peu de temps après la chute du mur de Berlin et la fin du socialisme réel) pour tout le mouvement de solidarité, spécialement en Europe et en Amérique du Nord.

FC : La défaite du sandinisme en 1990 eut un impact terrible. Nous avons eu besoin de beaucoup de temps pour réorienter notre pratique.

 

La solidarité comme levier d’un autre monde possible

 

SF : Pour compléter cette réflexion plus conceptuelle, je voudrais savoir comment vous situez la solidarité internationale selon des slogans ou des consignes qui ont défini des moments historiques importants de cette solidarité. « L’imagination au pouvoir » du Mai français (fin des années 1960) ; « La patrie libre ou la mort » (de l’Amérique centrale des années 1970 et 1980) ; ou « Un autre monde est possible », de l’altermondialisme, lié au Forum social mondial depuis 2001, nourri par la réflexion zapatiste sur les nouvelles relations internationales…

FC : « L’imagination au pouvoir » correspond à un moment historique, mais il a un aspect très individualiste et quasi petit-bourgeois. « La patrie libre ou la mort » est liée à la conjoncture spécifique d’une dynamique politico-militaire comme celle du Nicaragua lors de cette étape historique. Sans doute, je m’identifie clairement avec la vision d’« Un autre monde est possible ». C’est aujourd’hui la consigne politique la plus importante, y compris pour la jeunesse, qui doit former la relève essentielle de notre génération dans l’exercice de la solidarité active. Ces jeunes – et nous le vivons dans AMCA – avec d’autres sensibilités, d’autres expériences d’engagement, de nouveaux codes culturels, voient que la pauvreté croît dans le Sud et que les inégalités planétaires, avec des mécanismes globaux de domination, ont des responsables clairement identifiés.

Il est très important de continuer à faire en sorte que ces jeunes puissent vivre et apprendre des réalités du Sud. C’est une école pratique, comme je le disais auparavant. Une méthode, quasi sûre à 100 %, de sensibilisation et de prise de conscience citoyenne… Il est plus facile de commencer par un voyage au Nicaragua ou en Amérique centrale que par un discours conceptuel rhétorique.

Je crois que l’unique possibilité de survie pour la solidarité internationale consiste à offrir aux jeunes des regards, des options de pratiques concrètes, et pas seulement des discours.

 

SF : En se projetant en 2035, lorsque AMCA fêtera ses 50 ans (et que Franco Cavalli aura plus de 90 ans), quel serait votre rêve le plus important par rapport aux objectifs de la solidarité ?

FC : Je ne sais pas. C’est un pari trop théorique. Une réponse sérieuse : j’espère beaucoup qu’en 2035 AMCA ne sera plus nécessaire, parce que nous serons arrivés dans un monde plus juste où la solidarité, telle que nous la connaissons aujourd’hui, aura cessé d’exister.

 

SF : Avez-vous pensé à votre « retraite » de la vie politique et de la solidarité ? Ou peut-être ce militantisme représente-t-il un stimulant indispensable pour une « santé » idéologique adéquate ?

FC : Tant que la santé m’accompagne, comme je le disais, le militantisme est un mode de vie indispensable. Parce qu’il me donne beaucoup de satisfactions et que je ne le ressens pas comme une charge. Au début de cette année, nous nous sommes réunis, avec un groupe de camarades, pour réfléchir à la construction d’un mouvement de solidarité avec les Kurdes de Kobané. c’est, à mon avis, la meilleure réponse de gauche à tout ce que représente l’islamisme radical. Cela m’enthousiasme, cela me donne des énergies supplémentaires. La vie politique et la solidarité ne sont pas pour moi des formalités administratives. Ce sont des expressions, comme je le disais auparavant, de tendresse, de sentiments, d’amour. Nous avons fondé AMCA en 1985 par amour. Nous persistons à construire la solidarité pour continuer d’aimer et de pouvoir rénover ainsi la passion, le pari, la confiance, l’utopie d’un autre monde possible.

 

*Propos recueillis par Sergio Ferrari

 

Traduit de l’espagnol : Hans-Peter Renk

Edition final française Claude Desimoni

En collaboration avec E-CHANGER/COMUNDO, ONG de coopération solidaire partenaire d’AMCA